Une homéopathie, cinq pratiques différentes

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« Il n’est en aucun cas nécessaire d’employer plus d’un médicament à la fois » Samuel Hahnemann, Organon §272.

 

La thérapeutique homéopathique a été créée par Samuel Hahnemann. Dans sa toute pureté initiale, c’est une médecine du temps long où l’on ne prescrit qu’un seul remède à la fois (pratique uniciste). Toutefois, les nécessités de la pratique quotidienne (et les limites de l’esprit humain) ont conduit à décliner cette thérapeutiques en cinq pratiques différentes, dont chacune a ses partisans et ses détracteurs :

 

1/-  L’homéopathie « placebo » :

- Le but est de faire patienter le patient impatient pendant que se déroule un processus naturel de guérison, sur lequel on ne veut pas interférer.

- Dans une optique de long terme, cela peut servir à laisser se révéler le tableau clinique complet et non brouillé d’une maladie chronique que l’on soignera alors plus facilement en temps voulu.

- La principale vertu attendue d’un remède « placebo » est d’être aussi neutre que possible.

- Tout médicament « à usage homéopathique » peut faire un excellent placebo, pourvu qu’il soit choisi au hasard et suffisamment dilué.

 

 

2/- L’homéopathie « complexiste » :

- Le but est de guérir au plus vite un symptôme précis, sans avoir besoin de faire une investigation poussée.

- Un « complexe » est une spécialité pharmaceutique comportant un mélange de plusieurs constituants.

- Un « complexe homéopathique » sera essentiellement un mélange de remèdes « à usage homéopathique », en basse dilution (TM, 3 CH, 4 CH ou 5 CH).

- Typiquement, il s’agira d’un « produit conseil » que le pharmacien pourra proposer sans ordonnance.

 

Noter : Naturellement, ces complexes sont a priori conçus pour ne pas être dangereux.

Mais il faut savoir que « supprimer » à tout prix un symptôme précis, sans se préoccuper de l’état entier du patient, peut présenter un risque.

En effet, s’il se trouve que ce symptôme isolé faisait partie d’un processus naturel de guérison, le supprimer pourra se traduire par l’apparition d’un symptôme plus grave. Par exemple et typiquement : supprimer l’écoulement d’un rhume pourra donner une otite ; supprimer un eczéma pourra donner de l’asthme…

 

 

3/- L’homéopathie « pluraliste » :

- Le but est de guérir au plus vite une maladie aigue, en agissant sur des symptômes, des tissus ou des organes, exactement comme on le ferait en médecine classique.

- Comme en médecine classique, ont attend du médicament qu’il impose au corps un effet précis et déterminé.

- La différence est que le médicament prescrit est très dilué (donc non toxique). L’idée est de mettre à profit la loi de  « l’inversion de l’effet selon la dose » : si un produit toxique est suffisamment dilué, son effet devient l’inverse de celui qu’il produirait à dose pondérable.

- Le principe de similitude est donc compris ici (tout comme en logique complexiste) comme s’appliquant au niveau local d’un symptôme, d’un tissu ou d’un organe.

- Dans cette logique, le médecin est conduit à prescrire de façon raisonnée plusieurs médicaments, chacun avec une intention particulière, de manière à « couvrir le cas ».

- Les remèdes d’une ordonnance « pluraliste » sont généralement prescrits en moyenne dilution (5 CH, 7 CH ou 9 CH).

 

 

4/- L’homéopathie « isothérapique » (plus précisément : hétéro-isothérapique) :

- Le but est de soigner un état chronique dont on sait qu’il est la suite d’une intoxication par un poison que l’on a bien identifié.

- L’idée est de relancer l’élimination de ce poison, en remettant l’organisme au contact de ce même poison mais, cette fois, sous forme diluée.

- Le médicament « isothérapique » sera prescrit en haute dilution (15CH, 30CH ou même plus haut encore).

 

Noter : on est dans la situation où l’on connaît exactement le poison qui a provoqué l’intoxication, mais il est possible que ce poison ne soit pas le poison principal du patient. Le risque est alors que la réaction soit trop violente ou que l’organisme ne soit pas équipé pour bien réagir. Pour limiter ce risque, le médecin pourra compléter le remède isothérapique par un médicament « draineur ».

 

5/- L’homéopathie « uniciste », dite aussi « hahnemannienne » :

- Le but est de soigner un état chronique, dont on peut supposer qu’il est la suite d’une intoxication par un poison.

- La différence avec l’isothérapie, c’est qu’on ne sait pas, a priori, quel est ce poison dont on doit relancer l’élimination : le poison principal du patient.

- Pour identifier le poison principal du moment (ou un de ses équivalents), on observe le tableau clinique complet du patient, que l’on compare ensuite à tous les tableaux cliniques possibles, décrits dans les ouvrages de Matière médicale.

- Le principe de similitude est donc compris ici comme s’appliquant au niveau global, à l’état entier du patient.

- A la différence de l’isothérapie, il n’y aura pas besoin de draineur, car le poison principal sera son propre draineur.

- Dans cette logique hahnemannienne, il n’y a pas lieu de prescrire plusieurs médicaments. Le médecin homéopathe « uniciste » met donc un point d’honneur à ne prescrire qu’un seul médicament à la fois.

- Comme en isothérapie, le médicament sera prescrit en haute dilution (15CH, 30CH ou même plus haut encore).

 

Noter qu’en logique « uniciste » le médecin n’a pas la main pour imposer au corps un état prédéterminé :

- Si le poison principal est mal identifié, il ne se passera rien.

- Si le poison principal est bien identifié, le poison dilué (le médicament « homéopathique ») provoquera la relance de sa propre élimination.

=> Quelques semaines plus tard, on verra apparaître un nouveau tableau clinique, que l’on ne peut pas prévoir à l’avance. On obtiendra : soit le tableau clinique du poison principal de rang suivant, soit un tableau clinique normal (si le patient est définitivement guéri !).

 

 

Avantage et inconvénients de l’homéopathie « uniciste »

 

L’avantage incontestable de la pratique « uniciste » est qu’elle permet d’obtenir des guérisons vraiment profondes et durables. Mois après mois, le poison principal d’un jour laisse la place à un autre ; le patient a le sentiment de remonter dans le temps en retrouvant des états anciens et des sensations anciennes ; jusqu’à ce qu’il n’ait plus besoin de médicament.

 

Malheureusement, cette pratique a aussi ses limites :

a) Une limite quant aux pathologies concernées

- L’homéopathie « uniciste » est une thérapeutique soustractive. Pour qu’elle ait un sens, il faut donc qu’il y ait quelque chose à soustraire : un toxique auquel l’organisme a été confronté et qui n’a pas été éliminé totalement.

Si l’on ne peut pas faire cette hypothèse, la pathologie à traiter est « hors champs ».

- Toutefois, les pathologies concernées peuvent être plus nombreuses qu’il n’y paraît, car le toxique peut avoir une origine interne, et l’intoxication peut avoir eu lieu plusieurs années auparavant.

 

b) Une limite quant aux patients qui peuvent en bénéficier

- L’homéopathie « uniciste » est une thérapeutique du temps long.

- Elle ne convient pas au patient pressé, dont la seule demande est un soulagement immédiat.

- Elle convient au patient qui aura l’intelligence suffisante pour :

-- savoir se projeter sur un horizon temporel long,

-- savoir apporter sa coopération,

-- savoir respecter un médecin modeste, qui aura besoin de tâtonner pour trouver le bon remède,

-- savoir supporter des épisodes d’aggravation temporaire et de réapparition de symptômes anciens.

 

c) Une limite quant aux médecins qui peuvent la pratiquer

- L’homéopathie « uniciste » est une thérapeutique difficile et chronophage.

- Elle relève d’une véritable spécialité car elle suppose une grande maîtrise des volumineux ouvrages de Matière médicale homéopathique. (Dont les plus grands homéopathes font leurs livres de chevet).

- Elle ne convient pas au médecin débordé, vivant sous la pression de la pendule, et contraint de donner sans cesse des réponses immédiates.

- Elle suppose au contraire que le médecin puisse travailler dans le calme, en prenant son temps, à la fois pour bien observer son patient, pour bien s’intéresser à la longue histoire de ses maux, et pour s’intéresser ensuite aux conséquences de ses prescriptions.

- Elle suppose également du médecin qu’il ait une posture modeste (sans la « volonté de puissance » d’imposer sa loi à l’organisme), tout en étant capable de recul par rapport à la pensée médicale dominante.

 

 

Les outils

 

En France, compte tenu des conditions d’exercice, la plupart des médecins homéopathes ont une pratique « pluraliste » ; mais tous considèrent la pratique « uniciste » comme étant un idéal vers lequel ils aimeraient tendre, s’ils en avaient la possibilité.

 

Aujourd’hui, le médecin homéopathe peut se faire aider de différents logiciels sur son ordinateur ; souvent il les met en concurrence pour confronter leurs avis entre eux, mais aussi entre leurs avis et le sien ; il arrivera même qu’un logiciel lui suggère une piste à laquelle il n’avait pas pensé… L’homéopathie devient alors une pratique passionnante et très satisfaisante pour l’esprit.

 

=> Le logiciel « Duprat » est l’un de ces outils.

Son ambition est d’aider à choisir finement le remède, en comparant globalement le tableau clinique du patient, aux tableaux cliniques du plus grand nombre possible de remèdes. Du point de vue informatique, c’est un logiciel de « reconnaissance de formes » : il compare des profils « en un seul regard », comme on reconnaît un visage ; alors que la consultation classique d’un répertoire se fait selon une démarche plus analytique, en ne s’appuyant que sur un petit nombre de signes.

 

Ce texte n’est pas figé ; vos remarques peuvent l’améliorer.

Contact : Jean-Jacques [point] Kasparian [à] laposte [point] net

Dernière mise à jour le : 24/01/2024